dimanche 30 mars 2014

Le fake, la rencontre, l'image et la réalité

Ce qui me fascine avant même le fake, c'est la tension, la rencontre, la précipitation, entre image et réalité. Voire même entre idée et image.
Le fake vient ensuite se présenter comme le relativisme expérimental de ce rapport : hors contexte naturel, quelles précipitations entre image et réalité pouvons-nous imaginer ? Le critère de sélection n'étant autre que le degré d'étonnement, de surprise, de plaisir, à la pensée, à la vue ou à la lecture soudaine de cette rencontre.
Les différents projets que j'ai pu avoir sont tous portés un intérêt pour ce rapport, et ils échouent sans doute tous parce que je ne l'ai pas vu. Ce rapport est quelque chose de fugace, c'est l'agencement qui prévaut à une rencontre et non celui qui en découle, puisqu'avec celui-ci déjà les structures, les fonctions, la construction, la nécessité et même le hasard, ont repris leurs droits (si tant est que ce soit des droits, si tant est qu'ils les reprennent et non les prennent une première fois et avec notre entier soutien et notre plus naïve bénédiction).

C'est sans doute la raison pour laquelle je me retrouve sans désir au moment d'écrire une histoire, comme si écrire une histoire était cela qu'il fallait faire. Comme si ce n'était pas les seuls linéaments, leur mise en place dans l'imaginaire, qui m'intéressaient.
Ce moment où des choses hétérogènes, jusque là séparées, sont rassemblée d'une certaine manière, offrant une nouvelle image, une nouvelle réalité, qui est cohérente, et même censée si l'on jugule certains faisceaux de causalité car on ne peut pas non plus tous les prendre en compte. D'ailleurs les plus hauts degrés de fake sont ceux qui en prennent ou semblent en prendre (à travers quelque effet de persuasion) le plus possible.

La rencontre est le précipité d'une image et d'une puissance de vie. Elle appartient tant au regard, et à l'esprit qui en jouit, qu'il n'est pas certain qu'elle appartienne à la réalité. Dans la vie réelle, la rencontre n'est-elle pas toujours à venir, ou déjà passée ? Ne peut-elle pas être perçue comme une apogée attendue dans une terreur extatique faite de désir et d'appréhension, ou comme un bref moment de passage qui a eu lieu et qui paraît plus qu'insignifiant ?

Il faudrait m'en tenir à ce précipité, à cet agencement premier, ces phrases deleuziennes avec adjectif indéfini et verbe à l'infinitif. C'est de ce point, instant qui n'en est même pas un, absence de temps, que se déploie un espace, monde merveilleux de la rencontre à venir qui, sitôt prenant place, trouve la grisaille et la pesanteur des choses instituées, basculé dans le domaine des objets sociologiques (de la sociologie telle qu'elle s'est pratiquée jusqu'ici).

La rencontre appartient ainsi à un champ expérimental, monde de l'esprit, pour un spectateur, qui interroge et peut-être permet de remettre en cause, la réalité à travers ses rapports à l'image. Et le spectateur n'est-il pas aussi un participant ?
Le fake est l'explicitation de ce champ, trouvant sa légitimité dans l'affirmation du faux afin d'éviter les pièges tendus par le vrai, l'authentique, l'original, et autres miroirs aux alouettes et injonctions impératives de la simulation à laquelle le fake oppose ses simulacres.