mercredi 9 avril 2014

Fake et création : falsification et collision

Plutôt que de chercher la falsification, il est courant de chercher plutôt la confirmation. Par exemple en science (Popper) ou vis-à-vis de n’importe quel jugement.
Il faudrait encore comprendre le contexte et le processus exact de cette tendance. Par exemple ne vient-elle pas d’un rapport à autrui mêlé d’autorité ?
Quand on cherche des idées de fiction, en pensant à la réalité, une tendance semblable paraît se fait jour, qui consiste à ne pas pouvoir voir la réalité autre qu’elle n’est, ou qu’on pense qu’elle n’est : l’imagination se fait alors son miroir, et tout argument ou idée vient confirmer cette réalité, qu’il paraît difficile de soulever, de transformer, de rayer. Il en résulte ce qui est vécu comme une faiblesse à la faire paraître autre (il ne s’agit en fait pas de cela).
Le contraire de la confirmation est la contradiction, mais comme contraire, soit un miroir inversé. L’esprit de contradiction – réflexe qui ne permet pas lui non plus de décoller son nez du miroir, dont les deux yeux au-dessus du nez perçoivent ce qu’ils prennent pour la réalité même.
La falsification n’est pas la contradiction, elle emprunte un autre chemin qui est celui de l’interrogation. Face à une hypothèse scientifique, confirmée ou en attente d’expérimentation, la falsification consistera à imaginer une expérience permettant de tester cette hypothèse.
En fiction, la falsification passera par l’imagination d’un autre scénario, qui paraîtrait, dans l’univers de la fiction, possible. Ce n’est pas détourner ou transformer des éléments de la réalité, mais les percuter par des évènements ou des liens imaginés, collision dont naîtra une nouvelle réalité, une réalité falsifiée, un fake.

Cette collision est une donnée importante de la création, en particulier la collision entre deux ou plus éléments d’univers différents. Toute création peut ainsi être appréciée comme un agencement, un bricolage, un branchement créatif, d’éléments empruntés à des appareils différents. De cet accident procède un objet nouveau, vecteur de sensations, de perceptions, de perspectives, d’imaginations nouvelles.
Le fake n'est pas une contradiction lancée à la face de la réalité, il en est sa falsification, une nouvelle image. Affirmé comme tel ou non, exprimé dans un esprit rieur ou sérieux, qu'il paraisse absurde (comme Sarkozy, comme certaine comparution immédiate dont j'ai pu être le témoin) ou crédible, qu'il soit le fait de politiques, de décideurs économiques, d'apprentis journalistes joueurs ou d'écrivains du dimanche, n'est-il pas la voie royale des transformations de la réalité, au-delà de sa seule image et de celles qu'il produit ?